Papiers, ciseaux, fil, cartes
J’explore le papier sous toutes ses formes. J’aime me confronter au contexte, profiter des espaces
qui me sont offerts, des matériaux à disposition. Continuer à lâcher avec mes intentions premières
pour improviser : cartons, papier de soie, papier bible, papier goudronné, papier de récupération,
papier industriel. Découvrir les qualités et aléas de ces matériaux. M’amuser à des expériences,
des recherches plastiques en roue libre, avec la joie enfantine d’inventer, de trouver des solutions,
de me laisser surprendre et de souffrir de déception.
Je brode et je peins sur carte routière depuis 2018.
Ensembles elles forment un tout qui se construit et se déconstruit, totalité mobile et active. Support vivifiant propice au peut-être surgissement.
Je travaille essentiellement avec des matériaux de récupération. Des papiers qui ont servi, qui ont vécu,
qui gardent la marque du temps. Des fils et et des galons gardés dans des tiroirs comme des petits trésors
d’une vie passée. Des cartes routières qui racontent un temps révolu qui s’inscrit pourtant dans le présent.
Chercher la sobriété, l’économie de moyens dans des gestes qui demandent une attention, une concentration
tout en autorisant les déambulations intimes.
Mettre en écho mon expérience du dedans avec ma vie au dehors, la carte topographique comme trait
d’union, expression intermédiaire.
Explorer, reconnaître, se perdre pour accueillir l’expérience d’un futur non écrit.
Représentations objectives de la réalité en un instant T, avec des normes qui s’inscrivent dans un langage codifié. La carte pour se répérer, s’orienter ou partir à
la découverte d’un territoire. La carte une sorte de boussole pour «assurer» le déplacement et contribuer, tout autant, à l’efficacité vers un but (itinéraire, temps,
optimisation), qu’au vagabondage (tourisme, visites).
Avec la carte routière, j’expérimente une forme de pérégrination qui relie passé, présent et futur. Depuis un territoire connu ou non, je peins, brode, colle.
Certains lieux que je rencontre par cette confrontation quotidienne avec la carte, m’entraînent dans des souvenirs, des évocations des aspirations et je voyage
dans un espace temps plutôt que dans l’espace formel que la carte symbolise. Je crée de nouveaux paysages qui transcrivent une forme de déplacement entre
le monde du dedans et le monde du dehors. J’amplifie certains lieux, je mets en avant des espaces, j’en oublie d’autres. Je souligne des points de repères tout
en transformant la réalité de la carte afin de provoquer paradoxalement une perte de repères. Les mises en exergue peuvent être historiques, anecdotiques,
personnelles et sont là pour déplacer le point de vue de ceux.celles qui regardent. Les éléments reconnaissables de la carte viennent chercher le public tout en
lui offrant la possibilité de choisir le fil qu’il peut suivre selon ses propres référents et son expérience du territoire que je mets en scène. Je ne cherche par le
point juste ni la forme apprise. La broderie par cette lenteur nécessaire et son côté laborieux, m’emporte dans des temps méditatifs, favorables à la subtilité du
mouvement.
Chaque carte reprend, quelque soit le territoire qu’elle représente, un cheminement mille fois travaillé, mille fois emprunté et toujours à refaire. Mes cartes sont
des textes visuels d’une exploration qui se déploie en fonction de ma vie, de mon expérience au monde. Pliée, fermée, elle se déplie, se découvre, s’étale au
gré de celle.celui qui la contemple. Elle donne à voir sans rien dévoiler, elle raconte sans ébruiter. A chacun.e de vivre son propre chemin, sa propre expérience
intérieure dans une invitation à oser.
Mes oeuvres plastiques sont des articulations entre une question et un semblant de réponse. Entre un mouvement intérieur et une expérience de vie. Chaque
pièce terminée souligne un apaisement. Ce temps soudain, donné particulier, où le désir et la nécessité se fondent et s’apaisent dans une expérience de vie.
Ce temps immobile, plein, entier où ma présence au monde me protège de ma quête.
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